Dans «L’écorce du temps», Alexandre Masino nous éclaire sur un processus millénaire d’encaustique à travers une série peinte sur panneaux, sur papier japonais et sur livres montés. L’exposition est en cours jusqu’au 20 octobre à la Maison de la culture de Notre-Dame-de-Grâce.
En 2000, Alexandre Masino a commencé à étudier par lui-même la peinture à l’encaustique.
Depuis 2005, la plus vieille technique de peinture qui existe connaît une certaine résurgence aux États-Unis. Cet artiste résidant à Westmount fait partie de ce mouvement-là, dit-il «pour ramener ce médium oublié pendant environ 1500 ans». «Il y a maintenant des livres, des DVD, des colloques, des forums, tout ce qu’on veut».
L’encaustique est un procédé de peinture qui emploie des pigments délayés dans de la cire d’abeille. Il la fabrique lui-même, la fait chauffer dans des chaudrons et l’applique sur le tableau à chaud.
Le coup de pinceau refroidit et se fige instantanément. Il revient ensuite sur le tableau avec des outils chauffants pour ajuster et mélanger les couleurs.
Dans sa demeure, il a aménagé un studio spécialisé pour y développer, au fil des ans, ses propres techniques.
Ses oeuvres sont des références et sont incluses dans plusieurs publications et expositions thématiques sur ce médium. Il enseigne régulièrement à The International Encaustic Conference (Massachusetts, É-U). Il a également été invité à exposer et à donner un cours de maître à R&F Handmade Paints à Kingston, New York.
L’avantage de fabriquer sa propre peinture à ses débuts était d’ordre économique. Elle ne se faisait qu’aux États-Unis et il en faut beaucoup pour faire un tableau. Le dollar canadien avait une valeur bien plus faible qu’aujourd’hui. Maintenant, une compagnie en fabrique à Montréal. «Quand on dédie sa vie à ce médium, on n’a plus envie de changer de matériau parce que c’est un coup de foudre irrévocable», explique-t-il.
L’encaustique requiert un travail sur une surface rigide. Ainsi, il lui arrive de prendre un livre, de le remplir de cire pour en faire un panneau solide. Elle se prête bien à la peinture abstraite.
Pourtant, Alexandre Masino peint surtout des paysages et des natures mortes en se basant sur ses souvenirs combinés à des croquis, aquarelles et photos qu’il réalise durant ses voyages. Plusieurs peintres canadiens font, comme lui, de la représentation.
L’exposition unit deux séries. D’un tableau à l’autre, elle passe des cerisiers en fleurs du Japon imprégnés de leurs couleurs chaudes au paysage montagneux des Rocheuses imprégné de couleurs froides. «Les cerisiers sont toujours utilisés comme icône de l’éphémère. Les montagnes, c’est ce qu’il y a de plus permanent dans le paysage», explique-t-il. Ce contraste, ce dialogue temporaire—permanent, chaud—froid se retrouvent dans les moindres détails de l’exposition.
«L’écorce du temps» est le titre qui lui a sauté aux yeux. Le mot se prête aussi bien à l’écorce des arbres qu’à l’écorce terrestre. Puis la notion du temps qui passe est toujours très présente dans son travail.
Dans ses cours, l’artiste enseigne également les trucs qui rendent le travail plus sécuritaire. «L’encaustique peut être très toxique quand c’est mal fait. Je fais très attention dans ma pratique personnelle», confie-t-il.
L’artiste se distingue également pour l’encaustique sur papier. Il ne connaît personne qui le fait au Canada. Sa technique consiste à étendre le papier sur une plaque qui chauffe, puis à peindre par couches très fines. L’effet souhaité se réalise au bout de nombreuses heures de travail stressant, très physique, qui requiert beaucoup de concentration.
Pour cela, il a construit une table faite d’une boîte de bois, sur laquelle est déposée une plaque de métal chauffée par huit ampoules de 100 watts. C’est une expérience cuisante, dans le vrai sens du terme, avec des brûlures qui finissent par guérir avec le temps. «La cire est intégrée dans le papier, et la peinture reste très fine. Ça donne une qualité unique, une fragilité magnifique», dit-il.
L’exposition saisissante d’Alexandre Masino est présentée jusqu’au 20 octobre prochain à la Maison de la culture de Notre-Dame-de-Grâce.