CÔTE-DES-NEIGES - Manu Militari a remporté le prix Félix à l’Autre Gala de l’ADISQ pour l’album de l’année dans la catégorie hip-hop pour Marée humaine et ce, pour un deuxième disque consécutif.
En 2010, l’artiste issu de Côte-des-Neiges avait remporté ce prix pour Crime d’honneur.
Grâce aussi à sa belle plume, le rappeur a acquis une certaine notoriété avec ses chansons à textes au cours des dernières années, mais cela s’est fait au prix d’un travail très fort. Manu Militari a fait plus de 150 spectacles et vendu 40 000 albums, ce qui lui a ouvert tout grand les portes à l’Olympia avec un groupe de musiciens du groupe H’Sao venus du Tchad. Il est devenu du coup le tout premier artiste hip-hop québécois à donner un spectacle dans cette salle qui accueille les plus grands talents de la scène musicale.
Dans cette interview au Caravane Café, rue Lacombe, il s’exprime d’une voix posée légèrement gutturale avec un séduisant vibrato. Manu Militari, dans la trentaine, dégage un air sérieux et réfléchi, une certaine hésitation qui offrent un contraste étonnant à l’image stéréotypée d’artistes au style dansant qu’on peut avoir du milieu.
Le rappeur n’a jamais attendu l’appui des autres pour foncer. «Je ne veux pas tomber dans le vibe d’artiste pleurnichard. Tu travailles pour ce que tu veux obtenir. Il y a les gens qui n’ont pas la chance de faire des projets. Moi, je suis quelqu’un d’intelligent, de débrouillard. J’aurais pu être médecin si c’est ce que j’aurais voulu faire. Mais je n’ai
pas besoin d’appui, et je n’ai pas à me plaindre de ce qui se passe», dit-il.
Il a donné des spectacles au Québec un peu partout, depuis notre dernière entrevue en janvier dernier, aux Francofolies aussi. «Dans des endroits, ça
marche mieux qu’ailleurs. À Gatineau, ça marche bien. Mais ça va avec le nombre de population. Plus il y a de monde, plus c’est le fun. Ce qui n’empêche pas d’avoir quelques petits concerts très agréables aussi», nuance-t-il.
Il a dû travailler fort pour obtenir ce Félix. «Je pense que j’ai eu un modèle qui était ma mère. Ma mère, c’est une guerrière. Peut-être pas rusée de la même façon que moi, mais c’est vraiment une guerrière. Elle ne m’a jamais pris en pitié. Quand j’avais un problème, elle me disait lève-toi, et travaille. Si tu veux quelque chose, va le chercher, parce que la vie c’est comme ça. Donc ça vient de là. Et en même temps, elle m’a donné beaucoup d’affection. Je pense qu’un enfant, un bébé ça a besoin d’affection. Ce n’est pas important d’avoir une belle maison, de manger du steak tous les jours», dit-il.
Il rapporte une dernière année forte d’émotions, mais il relativise son expérience et a trouvé une nouvelle force à travers les épreuves. «J’ai découvert une autre inspiration avec toute la controverse suscitée par «L’Attente» et avec une histoire que j’ai eue avec les carrés rouges. J’ai découvert la haine que tu peux recevoir. J’ai envie que les gens sachent plus clairement ce que je pense. Comme ça, il n’y a pas de quiproquo. Si mon opinion et la façon de dire des choses dérangent les gens, ils perdent leur temps à me critiquer. Je ne les critique pas. Mais je suis content de tout ce qui est arrivé, parce que ça met toutes les cartes sur table», dit-il.
«Ma vie est hyper facile si je me compare à la majorité des êtres humains sur la Terre. On vit dans l’abondance. On est assis à une table qui vaut… on ne sait pas combien. On a la chance de développer des projets. Dans 150, 160 pays, j’aurais eu la peine de mort pour ce que j’ai fait», dit-il.