dimanche 16 septembre 2018
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Faut-il s’inquiéter de la montée de l’extrême-droite au Québec ?

Par Samir Ben

Un panel d’experts dans les groupe d’extrême-droite en Europe et au Québec a tenté de répondre à la question-titre mardi dernier lors d’une rencontre tenue au Centre de l’Holocauste de Montréal.
La question de base soumise au groupe était de savoir si l’Histoire se répète, en référence à la montée du nazisme en Allemagne dans les années 30.

Kai Arzheimer, professeur en sciences politiques à l’université de Mayence (Allemagne) s’est intéressé dans le cadre de ses recherches à l’extrême-droite actuelle en Europe. Il a rappelé les succès électoraux de cette tendance, la hausse des crimes haineux contre les juifs et les musulmans et les minorités. Au même moment, il a noté la prévalence de la rhétorique populiste sur les médias sociaux.
Ce professeur invité de la chaire Hannah Arendt de l’Université de Toronto remarque que ces groupes ne sont plus ouvertement racistes et prétendent défendre les populations de souche contre l’immigration.
Ils s’attaquent aux réfugiés, aux institutions juives et aux musulmans du moyen-orient, entre autres.
Le professeur reste optimiste et rappelle que ces groupes font beaucoup plus de bruit que leur poids réel. Les 48% qui ont voté contre le Brexit seraient encore plus nombreux de nos jours. En Allemagne, si le parti d’extrême-droite AfD a récolté 13% des voix aux élections de septembre dernier, 25% des Allemands aideraient les réfugiés selon les sondages.
Kai Arzheimer recommande aussi de mettre place des politiques d’intégration efficaces et d’arrêter de prétendre que l’immigration ne pose aucun défi pour les sociétés d’accueil.
Il conclut que «bien que l’Histoire ne semble pas se répéter, le temps n’est plus à la complaisance. Alors il ne faut pas les surestimer et arrêter de leur faire de la publicité.»

David Morin, professeur à l’Université de Sherbrooke, affirme que «l’extrémisme violent, ou l’extrême droite est un phénomène cyclique qui s’adapte à ses contextes.
Il faut garder raison quand on parler d’Histoire qui se répète et quand on compare la situation du Québec avec l’Europe des années 30 et 40.
Tout en mettant en garde contre des fausses analogies historiques, il reconnaît que «le populisme d’aujourd’hui avec son discours policé n’est pas forcément le même que celui de l’extrême droite raciste du siècle dernier.» «Il y a évidemment des narratifs communs», ajoute le professeur.

Le co-titulaire de la chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et l’extrémisme violent a expliqué qu’il est souvent mis au défi de définir l’extrême droite. «C’est complexe car, d’abord, la plupart des groupes se défendent d’être d’extrême droite, c’est évidemment une étiquette infamante», a-t-il affirmé à l’assistance nombreuse présente dans ce lieu chargé d’Histoire.

«L’extrême droite classique, raciste, haineuse et xénophobe est dépassée par une ultra-droite qui ressemble davantage à des mouvements nationaux populistes ou néo-populistes qui prétendent, pour certains, s’insérer dans le jeu démocratique. Pour cette raison, ils assument moins la violence, sont plus ambivalents, font attention aux termes qu’ils emploient - On n’est pas contre l’immigration mais contre l’immigration clandestine. On n’est pas conter l’islam mais est contre l’islam radical, sans jamais vraiment bien faire la différence entre ces termes, On essaie d’entretenir un certain flou», explique le professeur.

«Mais tous ces groupes, selon le spécialiste français Nicolas Lebourg, partagent une vision organiciste de la communauté nationale ou de la communauté tout court. Ils prennent des idées abstraites pour des choses concrètes», ajoute David Morin pour qui «il ne faut pas mettre tout le monde dans cette catégorie mais il ne faut pas aussi s’empêcher de regarder l’extrême droite pour ce qu’elle est».
Pour lui «Le Canada et le Québec entretiennent des relations taboues avec l’extrême droite. On ne veut pas trop regarder l’Histoire et le présent. On peut comprendre que c’est pour ne pas leur donner une certaine notoriété qu’ils cherchent à avoir »

«L’extrême droite existe et a existé historiquement au Québec et au Canada. Il y a eu le bateau des 900 réfugiés juifs allemands qui a été refusé par le Canada en 1939 et dont le quart périra dans les camps de concentration. On se souvient d’Adrien Arcand, militant fasciste, dont le parti national social-chrétien a fini quand même deux fois second aux élections fédérales de 1949 et 1953.», ajoute David Morin.
«A la différence de l’Europe, ce phénomène est resté marginal, mais celà ne veut pas dire que les conditions ce production de cette idéologie sont absentes aujourd’hui», selon le professeur.

« Les chiffres nous disent qu’on en parle beaucoup plus. Selon Influence Communication, les médias ont en parlé 600 fois plus en 2017 qu’en 2016. La raison est l’attentat de Québec. Paradoxalement ça a fait de la publicité pour l’extrême droite», analyse-t-il,

« Les statistiques montrent une augmentation des crimes haineux. On recense au Québec 20 à 25 groupes qui se rejoignent sur plusieurs thèmes : la communauté imaginée qui est toujours présentée assiégée avec une forte composante identitaire, la menace de l’immigration.»

Leur influence politique préoccupe le professeur. «leur objectif n’est seulement de s’inviter dans le débat public mais d’imposer les thèmes et les termes du débat. L’identité, l’immigration, l’islam deviennent des problèmes politiques et de sécurité pour la communauté imaginée. La charge symbolique est beaucoup plus forte et résonne dans l’opinion publique.
«La plus grande erreur, évidemment, serait de se croire à l’abri, pas tant de la violence extrémiste encore qu’elle est réelle, mais de la normalisation du discours d’extrême-droite, C’est ce qui m’inquiète davantage dans la société québécoise et canadienne» conclut David Morin,

De son côté Maxime Fiset, ancien membre d’un groupe d’extrême-droite et employé actuellement par le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence, explique que «l’extrémisme de droite même s’il a toujours existé connaît une sorte de renouveau. Il y a plusieurs pistes d’explication mais ma préférée c’est l’apparition des médias sociaux»
« Quand j’étais dans l’extrémisme de droite, on espérait qu’un jour l’internet devienne l’outil qu’il est aujourd’hui pour rejoindre les gens d’une manière directe dans leur quotidien quand ils sont sur leurs divans en train d’écouter la télévision ou dans la cuisine en train de faire la vaisselle », s’est-il rappelé.

Celà bien que le site sur lequel il était modérateur «avait à l’époque 175 000 membres pour atteindre 350 000 lorsqu’il a été fermé il y a quelques mois».
« L’extrême droite n’a pas attendu les médias sociaux pour prendre d’assaut l’internet et coloniser l’esprit de certaines personnes », rapppelle Maxime Fiset qui ajoute que «la plus grande réalisation de l’extrême droite c’est d’avoir permis la mise à l’agenda, à travers les réseaux sociaux, de sujets qui n’auraient jamais été mis à l’agenda à une autre époque. L’Alt-Right a même un expression pour ça : la méta-politique.»

Arrivé dans l’extrême droite vers l’âge de 16 ans, il a fondé la Fédération des Québécois de souche, un groupe qui se dit nationaliste, traditionaliste, mais qui «est en fait dirigé par des skinheads néo-nazis qui sont allés à plusieurs reprises en Europe pour visiter des organisations partenaires d’extrême-droite et apporter un modèle plus européen au Québec que ce qu’on trouve dans le reste du Canada»
«Le Québec est une sorte de porte tournante entre l’Amérique du Nord britannique et l’Europe continentale. On y trouve autant des milices style américain que des groupes européens style générations identitaires» nuance-t-il,

Il a expliqué comment de par son engagement dans l’extrême droite et après son arrestation en 2008 pour propagande haineuse, il est arrivé à un point où, isolé et sans ressources, il voulait en finir avec la vie. Mais comme tout radical «ma vie comme ma mort devait avoir un sens idéologique. Et à l’instar de tous les kamikazes, une personne aussi extrémiste et qui désire mettre fin à ses jours va probablement chercher à mettre fin aux jours d’autres personnes»

Quand l’attenant de la mosquée de Québec est arrivé, Maxime Fiset se rappelle s’être dit : «Le tueur aurait pu être moi.»

L’événement a été organisé en collaboration avec l’organisme de Communication pour l’ouverture et le rapprochement interculturel (COR), le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence ainsi que le consulat d’Allemagne à Montréal. Il entre dans le cadre des activités de la semaine d’action contre le racisme.

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