Le docteur Julien a du plomb dans l’aile
Article mis en ligne le mercredi 18 août 2010
Photo Marie Cicchini
Le docteur Gilles Julien et Brunelid.
La Fondation du docteur Julien, qui vient en aide aux enfants défavorisés et à leur famille dans les quartiers de Côte-des-Neiges et d’Hochelaga-Maisonneuve, a reçu un chèque de 100 000 $ du ministre de la Santé et des Services sociaux Yves Bolduc à la fin du mois de juillet.
Il s’agit d’une aide d’urgence. Le gouvernement du Québec lui avait promis une somme de 1 million $ lors du dépôt de son budget il y a deux ans. Il n’en a versé à peu près que la moitié.
« Compte tenu qu’on avait été avisés que le gouvernement allait nous soutenir financièrement, on avait engagé ces fonds dans l’économie sociale. Le manque à gagner nous a mis dans une situation où si l’argent ne rentre pas, nous serons obligés de fermer boutique », a confié le docteur Gilles Julien, qui dirige cette entreprise d’économie sociale depuis 20 ans.
Il s’orientait vers un déficit de 900 000 $ et s’apprêtait à vendre le bâtiment qui abrite la Fondation au 4765, rue Sainte-Catherine Est.
Le Centre de services préventifs à l’enfance (CSPE) situé au 6555, chemin de la Côte-des-Neiges n’a pas encore été touché. «Le montant de 100 000 $ nous aide à éteindre un feu, mais ça ne nous aide pas à reprendre nos services complets en septembre », a souligné le pédiatre, qui veut planifier la rentrée scolaire.
Les deux centres de la Fondation du docteur Julien sont très populaires. Quand la situation a été éventée à la fin du mois de juillet, ceci a suscité un mouvement populaire d’appui à la Fondation et les médias se sont emparés de l’histoire.
Le ministre Bolduc a téléphoné au célèbre pédiatre pour lui offrir une aide d’urgence, a-t-il raconté. Une rencontre est censée suivre en ce mois d’août pour donner suite au financement que le gouvernement avait promis, voire un financement récurrent qui assurerait la pérennité des services d’économie sociale rendus par le pédiatre.
Trois ministères, Santé, Éducation, et Emploi et Solidarité sociale, entendent dégager une somme de 475 000 $. Pourtant, le docteur Julien garde une mine soucieuse. Ce qu’il manque, d’après lui, c’est un million, c’est
soutenir le fonctionnement de base.
En juin, il avait déjà dû couper presque la moitié des 18 intervenants du centre d’Assistance d’enfant en difficulté (AED) situé dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, y compris des spécialistes, des psychoéducateurs et des travailleurs sociaux, ainsi que des activités et un projet. Il souhaite rétablir tout ceci dans la mesure du possible.
La directrice du CSPE Marie-Agnès LeBreton ne voit pas quels services pourraient être amputés. L’équipe d’intervenants interdisciplinaire accueille environ 1 400 enfants annuellement dans le cadre de leurs activités régulières ou de leurs projets, ce qui revient à environ 80 à 100 enfants par semaine. En bref, l’œuvre du docteur Julien diminue les coûts dans le réseau de la santé et de la délinquance.
Il existe bien des fonds, mais pour y être admissible, encore faudrait-il que le docteur Julien puisse dénaturer son approche souple à cause des normes rigides des programmes gouvernementaux en place.
De grands économistes comme Pierre Fortin de l’Université de Montréal engagent le gouvernement à investir davantage dans les entreprises d’économie sociale parce que ces petits organismes font un travail énorme. Pourtant, ils sont encore traités comme « les parents pauvres » du système, affirme le docteur Julien. Cette
situation relance le débat sur le rôle de l’État dans l’économie sociale.