Entrevue avec l’auteur, dramaturge et scénariste Trevor Ferguson
Article mis en ligne le jeudi 10 avril 2008
Photo courtoisie
Les deux acteurs, Brett Watson et Lina Roessler, s’aiment et s’entre-déchirent à la fois dans la pièce. Zarathustra said some things, no?
Un sourire en coin, la tête légèrement baissée, les mains dans les poches, Trevor Ferguson s’est présenté devant une vingtaine de personnes au Théâtre La Chapelle. Deux heures plus tard, une centaine de spectateurs allaient assister à sa plus récente œuvre théâtrale, Zarathustra said some things, no?. Pour l’instant, c’était lui, l’auteur, qui accaparait les projecteurs. Zarathustra said some things no?
Il avait accepté de dire quelques mots sur la pièce, mais aussi de répondre aux questions. Dès ses premières paroles, il avait averti le public que ce qu’ils allaient voir, « ce n’est pas une pièce facile ». Difficile de qualifier autrement ce face-à-face entre les acteurs Brett Watson et Lina Roessler qui campent les personnages de Ricky et d’Adrienne, deux âmes torturées et perdues unies par un pacte de suicide. Si la trame de fond est plutôt sinistre, le dramaturge affirme qu’il s’agit avant tout d’une histoire d’amour.
C’est au cours d’une soirée bien arrosée que Brett Watson a mis au défi Trevor Ferguson de construire une pièce autour d’un dialogue. Quatre jours plus tard, le texte de base de Zarathustra said some things no? était écrit. L’auteur explique l’intérêt de la requête qui lui avait été soumise, « avec deux acteurs qui se confrontent, le texte devait être à propos d’eux seulement. Il n’y avait pas de place pour une histoire plus large. Il me semblait que ça impliquait nécessairement une expérience très intense sur scène ».
« Quand nous avons monté la pièce, nous savions que nous ferions tout nous-mêmes alors on pouvait faire quelque chose de plus avant-gardiste. […] Ça m’a donné une certaine liberté », poursuit le dramaturge. La pièce a tout d’abord été présentée à New York où la critique a acclamée le texte aussi bien que la performance des acteurs. En entrevue, Trevor Ferguson affirme qu’il a fait ce choix consciemment, « c’est tellement sombre, tellement intense. Le langage est vulgaire par moment. Je ne pense pas que le public montréalais, du moins anglophone, est habitué à ça. […] Je me disais que ce serait mieux pour la pièce de faire ses débuts dans une ville où c’est plus banal de voir des œuvres théâtrales comme ça ».
« C’est comme si la plus grande partie de l’audience anglophone gravite autour du Centaur Theatre, observe-t-il, pour les petits théâtres qui produisent des pièces contemporaines c’est très difficile. » Selon lui, le succès qu’ils ont obtenu à New York a joué un rôle primordial auprès du public à leur retour à Montréal, « les gens sont très curieux de voir la pièce ». L’auteur
Avant le début de la causerie avec le public, Guy Sprung, qui a signé la mise en scène, avait présenté Trevor Ferguson comme le plus important romancier anglophone du Québec. Du même souffle, il se désolait de la difficulté de trouver les livres de Ferguson dans les librairies québécoises alors qu’à l’aéroport Charles de Gaulle, à Paris, ses romans occupaient une place de choix dans les présentoirs puisqu’ils faisaient partie des meilleurs vendeurs.
Au cours de la carrière de l’auteur, certains l’ont même désigné comme le meilleur écrivain canadien de sa génération. D’ailleurs, en 1996, il a reçu le prix Hugh-MacLennan pour une œuvre de fiction avec The Timekeeper (Train d’enfer en français).
Comment réagit-il à ces compliments de taille? « Ça ne compte pas vraiment. Je ne crois pas que les gens devraient être comparés. Je pense que j’ai eu une carrière honorable et ça ne me dérange pas d’être considéré comme le meilleur ou le deuxième meilleur. Je ne fais que mon travail. » « Mais c’est agréable d’avoir des gens qui glorifient son œuvre, c’est gratifiant », avoue-t-il finalement.
Parmi les admirateurs de son travail, on peut entre autres compter Louis Bélanger (Gaz Bar Blues) qui a signé la réalisation de l’adaptation cinématographique de The Timekeeper, entièrement tourné en anglais. La sortie de ce film québécois anglophone dont fait partie Roy Dupuis sera sans doute un des événements cinématographiques marquants de l’année.
[ Ariane Lafrenière ]